Le web social et le mouvement des logiciels libres

Dans cet essai, je décrirai comment le web social influencera la situation actuelle opposant en quelque sorte le mouvement du logiciel libre, ayant comme objectif une « société de la connaissance dans laquelle les outils utilisés au quotidien peuvent être à la fois partagés, étudiés et modifiés »[1], et les géants du web (big four tech compagnies). L’horizon d’analyse sera une vingtaine d’années, équivalent environ à une génération.

Incluant parfois Microsoft, ces cinq entreprises constituent pratiquement le top 5 en matière de capitalisation boursière[2]. Mais qu’est-ce qui est capitalisé au juste ? Ce sont les logiciels, la publicité, les données personnelles et les comportements des consommateurs. Nous verrons comment les objectifs de ces opposants sont incompatibles. Nous verrons donc comment le web social a exposé, et comment il continuera de le faire, les problèmes liés à ce capitalisme de surveillance[3].

Le milieu : le mouvement des logiciels libres

Le mouvement du logiciel libre, de son côté, créé en 1983, est la culmination d’un mouvement antérieur, soit celui des hackers des années ’70. Cette communauté de l’époque a aussi culminé avec la publication du code d’éthique de Levy. En se créant un instrument juridique, basé sur la notion de copyleft, l’antagoniste du copyright, les communautés visant la société de connaissance se sont dotées du nécessaire pour œuvrer en parallèle dans le système du big four.

On ne peut passer sous silence la création du mouvement open source vers la fin des années ’90, justement au moment où le web social 2.0 prenait son ampleur. Le mouvement a rejoint un public cible légèrement différent du mouvement des logiciels libres, rejoignant surtout des développeurs de logiciels. Pour certains puristes open source, l’aspect « société de connaissance » et l’aspect philosophique devraient être écartés du débat, préférant « mettre l’accent sur la méthode de développement et de diffusion du logiciel »[4].  La popularité du mouvement n’a pas été une grande surprise. En effet, le public cible était en partant très à l’aise avec le web social, justement en construction par les mêmes acteurs.

En ce sens, chaque projet de logiciel libre est implicitement open source et implicitement associé à une communauté du web social. La plupart des projets ont des services en place pour partager le code, discuter, documenter les changements, documenter les nouveaux besoins (user voice) qui dicteront les prochaines versions.

Mon lien avec le milieu

Ces mouvements me concernent, en tant que citoyen, mais aussi comme travailleur dans le domaine des technologies de l’information.

En tant que citoyen, la vie privée est un élément sur lequel je ne fais pas beaucoup de concessions. Certains sociologues, et aussi l’histoire, nous rappellent qu’une liberté perdue peut être difficilement récupérable. Pour le moment, selon l’optimiste de la personne, nous pouvons dire que nous avons toujours la liberté d’expression, la liberté de nous regrouper en communauté, la liberté d’accéder à l’information et de nous la partager. Toutefois, comme nous le verrons dans l’analyse des tendances actuelles, la bataille est loin d’être gagnée. Il y a en effet beaucoup de forces en présence avec divers intérêts. Plusieurs de ces tendances menacent ou ont le potentiel de menacer certaines de ces libertés.

En tant que citoyen, je revendique aussi le droit de penser librement, d’avoir des choix (des options), et de voir mon intelligence respectée et considérée par les logiciels et les services du web social. Je n’accepte pas l’opacité sous prétexte de simplification, pour répondre à mes besoins que je n’ai pas eu la chance d’exprimer. En tant que développeur, je sais très bien que déléguer la puissance à ses utilisateurs ne vient pas toujours au prix de la complexité et de la difficulté de maintenance. Et puis, c’est cette flexibilité qui pousse et guide l’innovation après tout. Nos utilisateurs nous donnent de la rétroaction et c’est cela qui devrait façonner les prochains changements, ayant comme objectifs l’intégration fluide dans nos façons respectives de vivre notre dimension numérique. Évidemment, en tant que consommateur dans un système capitaliste j’ai le mot final à savoir ou j’investirai mes dollars. Toutefois, comme nous le verrons dans les tendances, les options sont parfois limitées et elles sont tout aussi mauvaises.

En tant que développeur, j’ai été et je suis toujours concerné par le mouvement du logiciel libre de différentes façons. L’évolution de ces logiciels a été relativement stable dans les dernières décennies, chaque changement et mise à jour venant répondre à des besoins clairs et élicités par les développeurs et les utilisateurs eux-mêmes. Mon investissement de temps et d’énergie dans l’utilisation et l’apprentissage de ces outils s’est avéré un investissement me procurant un retour longtemps après. Au contraire, chaque fois que j’ai développé des connaissances et des compétences dans des produits et logiciels propriétaires, celles-ci sont devenues désuètes, ne me laissant rien de mon investissement initial. C’est logiciels opaques encouragent à œuvrer au sein d’un écosystème propriétaire de l’entreprise, ne laissant rien lorsque cette entreprise ferme ses portes ou est rachetée par une autre. Faire le choix de travailler avec des logiciels libres est donc un choix logique pour un développeur qui veut développer des compétences solides qui transcenderont le temps et les tendances éphémères.

Les tendances

Nous venons de décrire les origines du mouvement libre et comment cela peut affecter un citoyen numérique normal et aussi un développeur. Regardons maintenant les tendances du web social qu’on peut observer et qui auront un impact.

Les communautés et le crowd funding

Les contributions et l’évolution des logiciels libres reposent généralement sur une communauté de volontaires partageant un intérêt avec le logiciel en question. Le web social a rapproché et continuera de le faire les gens qui pourraient avoir des intérêts communs à travailler sur un projet.

Les communautés de volontaires ont la caractéristique de se dissoudre lorsque l’intérêt n’y est plus, par exemple lorsque le logiciel répond bien aux besoins. Grâce aux caractéristiques des copyleft, chacun peut par contre faire renaître le projet lorsque le besoin se fera sentir. Le désavantage par le passé était que certains projets pouvaient disparaître, reposant sur un ou peu d’individus. Le web social, avec entre autres GitHub, est venu pallier à ce problème, faisant connaître le projet et assurant la pérennité de celui-ci.

Un modèle prometteur pour faire évoluer un logiciel libre est le financement par les dons (crowd funding) et la production participative (crowd sourcing). Cela est maintenant facilité par les options de paiements (Bitcoin, PayPal) pour faire ces dons. Cela permet de faire du « financement social », permettant de créer et financer des fondations travaillant sur des logiciels libres.

On peut penser d’abord à la fondation Mozilla, organisme sans but lucratif, qui s’occupe du projet du même nom depuis 2003. Cette fondation participe notamment à promouvoir les logiciels libres et les libertés sur le web avec son logiciel phare Firefox. La fondation est en fait la descendante d’une communauté datant de 1998, qui s’est formée comme héritage de l’entreprise Netscape. Toutefois, cette fondation ne pourrait pas survivre actuellement avec le modèle de dons. En effet, 85% des 163 millions en revenus pour 2011 proviennent de Google.[5]

Si les dons monétaires sont ceux les plus utiles, ce ne sont assurément pas les seuls. Mozilla a lancé le projet Common Voice en 2017 où les gens peuvent donner leur voix, en enregistrant quelques phrases, pour faciliter le développement d’un engin de reconnaissance vocale basée sur l’intelligence artificielle.

Fait intéressant, le crowd funding et le crowd sourcing ne sont pas des concepts issus du web social. Ils sont très populaires en ce moment et sont très utiles grâce à celui-ci, mais ils ont existé auparavant. Certains écrivains vendaient au rabais un livre qui n’avait pas encore été écrit. C’est le concept de la praenumeration, une forme de modèle d’affaires basé sur les abonnements. Au même titre, les obligations de guerre (war bonds) sont aussi une forme de financement participatif pour, dans ce cas-ci, entrer en guerre.

Autre fait intéressant, les dons finançant les logiciels libres n’ont pas à provenir seulement de communautés du web social. Les gouvernements et les entreprises, faisant partie eux-mêmes d’autres genres de communautés (communauté internationale, communauté des affaires, etc.), peuvent se trouver des intérêts communs à donner et financer ces projets. AOL a participé au financement initial de Mozilla à la hauteur de 2 millions.[6] Toutefois, ce n’est pas pratique courante pour les entreprises de faire des dons massifs à des projets open source[7]. Les entreprises contribuent plutôt en assignant leurs employés à travailler et contribuer sur des projets open source ou libre. Ce sont d’ailleurs les plus grands contributeurs.[8]

De son côté, la Free Software Foundation (www.fsf.org) réussit à survivre sur la base de dons, sans avoir un produit ou un projet autre que celui de promouvoir l’idéologie elle-même des logiciels libres. Avec un budget annuel d’un peu plus d’un million[9], on peut comprendre qu’un don de 1 million, reçu en 2018 de Pineapple Fund[10], peut faire la différence entre un licenciement massif et la prospérité.

Tendances des discussions dans le débat public

Si le web social permet à des communautés partageant les mêmes idées de se rejoindre, il a aussi permis à des communautés ayant des différences intrinsèques de « s’affronter ». Actuellement, il n’y a jamais eu autant de débats et discussions sur les réseaux sociaux à propos des différences fondamentales entre les logiciels à code ouvert et les logiciels libres. Cette distinction, qui a besoin constamment d’être précisée aux non-initiés, est une forme de publicité gratuite pour ces mouvements eux-mêmes, ce qui contribuera grandement à leur promotion pour la génération à venir.

Est-ce que l’open source éclipsera le mouvement libre ou y aura-t-il fusion ? Le futur nous le dira.

Prise de consciences individuelles et collectives

Cela a été dit : les entreprises et les gouvernements utilisent et profitent des projets à code source ouvert et libre, mais peut d’entre eux finance directement ces projets. Est-ce que la tendance changera ? Pour le moment, nous sommes plutôt en phase de prise de conscience. De plus en plus de gouvernements et d’entreprises font des transitions, parfois philosophiques et parfois très concrètes, vers des méthodes de développement open source ou libre.[11],[12]

De leur côté, certains utilisateurs conscients font des choix idéologiques (e.g utiliser Firefox au lieu de Chrome), sacrifiant parfois performance et compatibilité. Pour certains, le choix est déterminé par la stabilité du produit, mais pour d’autres ce n’est pas vraiment un choix, car les options propriétaires ne respectant pas les droits fondamentaux numériques ne sont pas des alternatives. Firefox reste donc la seule option crédible.

Tendances concernant l’aspect légal

Le futur du mouvement libre repose sur la solidité légale des licences (e.g GPL). La licence GPL, le descendant des premiers copyleft permet toujours de distribuer et partager, garantissant la pérennité de la base de code source. En 2006, la licence GPL a gagné une grande bataille dans une poursuite qui aurait pu l’invalider.[13] En 2017, la licence GPL a encore prouvé sa validité en cours.[14]

Actuellement, les réseaux sociaux sont l’instrument de capitalisation du big four. Les données personnelles sont une chose, mais c’est plutôt la marchandisation des comportements et le contrôle d’un vaste réseau organisé (notamment avec les groupes Facebook) qui offre une vraie valeur et qui fait l’objet de spéculation. Grâce à la prise de conscience et les discussions stimulées par le web social, ce modèle d’affaires est régulièrement exposé ce qui est en quelque sorte une première étape. Mark Zuckerberg (Facebook) s’est même excusé à plusieurs reprises devant le congrès américain et devant d’autres instances[15]. Combien de temps avant que nos gouvernements légifèrent et interdisent l’accumulation de données personnelles ? Combien de temps y aura-t-il avant que des lois crédibles n’oblige le big four à offrir des services payants offrant des vraies garanties de confidentialité. En ce moment, les options payantes offrent seulement des valeurs ajoutées sans améliorer la situation concernant la vie privée et le respect fondamental. Il faudra aussi que les gens soient prêts à payer si ces options deviennent disponibles. Le passé nous a montré que la plupart ne sont pas prêts à dépenser pour atteindre leur objectif de sécurité. Comme c’est un désir réel d’une grande partie de la population, c’est à ce moment que le gouvernement doit intervenir.[16]

Les VPN

Le VPN est en quelque sorte un des derniers bastions de la vie privée. Cet outil n’est pas directement lié au mouvement du logiciel libre, mais il fait partie de cette société de connaissance au sens qu’il donne des pouvoirs aux utilisateurs. Certains pays interdisent les réseaux privés virtuels (VPN), freinant les communautés et coupant les liens et les accès au web social. Initialement réservé aux initiés de l’informatique, l’utilisation des VPN est maintenant beaucoup plus simple et accessible, et ce, même gratuitement. La prise de conscience collective grâce aux débats publics, notamment sur les réseaux sociaux a permis aux gens de voir les avantages. La tendance actuelle est que de plus en plus de gens les utilisent pour avoir l’anonymat sur des réseaux public (café, aéroport, etc.) et aussi pour se protéger contre l’écoute clandestine de son fournisseur internet et des gens qui contrôle certains segments de l’internet.

Le VPN, et indirectement TOR, feront partie des discussions et des grands enjeux pour la prochaine génération.

La sécurité informatique

La sécurité d’un système est aussi robuste que le maillon le plus faible de celui-ci. Même si des lois sont faites pour réguler l’acquisition et la conservation de données personnellement identifiables, les systèmes informatiques sont faits par des humains et donc susceptibles à des bugs informatiques qui peuvent compromettre les données, peu importe leur volatilité. Il y a une prise de conscience collective aussi quant à la sécurité.

Les compétitions CTF, une communauté énergique, pratique plusieurs disciplines liées à la sécurité, notamment la rétro-ingénierie (reverse engineering). Cette discipline permet d’étudier et de comprendre comment fonctionne un système qui n’est que partiellement ou pas documenté du tout. En ce sens, le reverse engineering permet de combattre « les secrets » des logiciels propriétaires pour ensuite permettre d’offrir des alternatives.

L’engouement pour la sécurité de façon ludique, combinée aux besoins des entreprises et des gouvernements rendra cette discipline omniprésente dans la prochaine génération. Cette tendance viendra renforcer le mouvement des logiciels libres et open source car ces logiciels sont souvent la seule façon de garantir la sécurité de certains systèmes lorsque le modèle basé sur la confiance fait défaut[17],[18].

Quelles sont les forces ou les volontés sous-jacentes à ces tendances ?

Personne ne peut évidemment prédire avec assurance l’impact qu’aura le web social sur le mouvement du logiciel libre. Certains disent que le mouvement s’étendra à la conception et aux modèles libres, notamment grâce à l’impression 3D[19]. Le capitalisme actuel en serait grandement affecté et devra probablement s’adapter à cette réalité.

Ces entreprises œuvrant dans ce système capitaliste doivent faire des revenus pour leurs actionnaires. Beaucoup d’emplois sont en jeu et le gouvernement finance, subventionne et encourage en quelque sorte ces compagnies. C’est une force indéniable et la position des gouvernements influencera certainement la prochaine génération. Si le gouvernement se mettait plutôt à légiférer, baliser ou à rendre public certaines « fonctionnalités » du web social, ça serait probablement la fin pour certaines entreprises du big four. En même temps, cette prédiction est probablement incompatible avec la théorie du too big to fail qui colle bien aux géants du web[20],[21] Le futur dépendra donc de la volonté du gouvernement, normalement dictée par le peuple dans une démocratie, à s’affranchir de cette relation qu’on a qualifiée précédemment de parasitaire.

L’humain, souvent capable de s’adapter à beaucoup de situations, arrive parfois à court de moyens face à cette ère numérique qui offre peu d’options. Des choix seront faits et il y a une tendance lourde vers les « retours aux bases ». Beaucoup font le choix de ne pas avoir de compte Facebook personnel, de ne pas avoir d’appareil mobile cellulaire, etc. Richard Stallman, militant et fondateur du mouvement libre, est l’exemple parfait de quelqu’un qui sacrifie la commodité pour conserver ses droits fondamentaux.[22]

Donc, en conclusion, le futur de la prochaine génération dépendra de la volonté réelle des gens d’obtenir l’anonymat, le respect de la vie privée, de combattre l’obsolescence programmée, etc. Cela passera par leurs actions, et notamment certains sacrifices.

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_logiciel_libre

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_entreprises_par_capitalisation_boursi%C3%A8re

[3] https://www.theguardian.com/technology/2019/jan/20/shoshana-zuboff-age-of-surveillance-capitalism-google-facebook

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_source

[5] https://techcrunch.com/2012/11/15/mozilla-releases-annual-report-for-2011-revenue-up-33-to-163m-majority-from-google/

[6] https://blog.mozilla.org/press/2003/07/mozilla-org-announces-launch-of-the-mozilla-foundation-to-lead-open-source-browser-efforts/

[7] https://www.vice.com/en_us/article/43zak3/the-internet-was-built-on-the-free-labor-of-open-source-developers-is-that-sustainable

[8] https://www.freecodecamp.org/news/the-top-contributors-to-github-2017-be98ab854e87/

[9] static.fsf.org/nosvn/Form990_FY2014.pdf

[10] https://www.fsf.org/news/free-software-foundation-receives-1-million-donation-from-pineapple-fund

[11] https://open.canada.ca/en/blog/open-source-software-and-open-standards-government-canada

[12] https://www.techdirt.com/articles/20160310/23515533868/white-house-further-embraces-open-source-government-tell-it-to-do-even-more.shtml

[13] https://www.fsf.org/news/wallace-vs-fsf

[14] https://hackaday.com/2017/05/22/the-gnu-gpl-is-an-enforceable-contract-at-last/

[15] https://www.fastcompany.com/40547045/a-brief-history-of-mark-zuckerberg-apologizing-or-not-apologizing-for-stuff

[16] https://www.theguardian.com/technology/2016/jul/08/we-know-people-care-about-privacy-so-why-wont-they-pay-for-it

[17] https://www.networkworld.com/article/3125015/down-the-rabbit-hole-part-2-to-ensure-security-and-privacy-open-source-is-required.html

[18] https://www.quora.com/Is-open-source-software-really-more-trustworthy-and-secure-than-closed-source-software

[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Open-design_movement

[20] https://www.washingtonpost.com/opinions/facebook-isnt-too-big-to-fail/2018/04/10/dd9e9c18-3d02-11e8-a7d1-e4efec6389f0_story.html

[21] https://www.nytimes.com/2018/11/01/technology/mark-zuckerberg-facebook.html

[22] https://stallman.org/stallman-computing.html

Témoignage d’un hacker

J’aime bien les discussions dans le débat public des dernières années qui redonne des lettres de noblesse aux hackers après tant d’années sombres, où l’on voyait seulement que le côté négatif des choses dans les nouvelles : le dark web, les ransomware qui attaquent nos institutions, les vols de données et d’identité, etc.

En effet, je m’identifie à la définition originale de ce qu’est un hacker. Le code d’éthique de Levy est pour moi un manifeste naturel.

Est-ce que je me considère un hacker accompli ? Non ! C’est quand on rencontre d’autres meilleurs hackers où qu’on regarde les meilleurs au monde qu’on se rend compte qu’on ne connaît pas grand-chose. Et puis, c’est dans la philosophie elle-même des hackers de s’attaquer à des gens qu’ils ne comprennent pas.

Les compétitions CTF

Les compétitions de type « Capture the flag » sont très à la mode dans les dernières années. Dans ces compétitions, des hackers ou des crackers (voir l’article de blogue suivant pour comprendre la différence) tentent de découvrir les failles dans des logiciels, des serveurs, etc., dans le but d’obtenir des points. Ces compétitions sont parfois en ligne (https://picoctf.com/) et parfois sur place (https://nsec.io/). Certaines compétitions sont ponctuelles et d’autres permanentes (https://www.root-me.org/).

Dans tous les cas, certaines personnes sont là pour parfaire leurs habiletés avec des outils informatiques ou des langages de programmation (hackers), pour comprendre comment fonctionnent certains systèmes et logiciels (hackers). D’autres sont des crackers, amateur ou professionnel, black hat ou white hat, incluant toutes les teintes de gris possibles (0-255).

Google organise même sa propre compétition (https://capturetheflag.withgoogle.com/). Certains disent qu’elle sert pour le recrutement.

Combiné avec les défis qui sont devenus viraux sur l’internet (comme Cicada 3301), on peut que la culture des hackers et des crackers est en bonne santé !

Le code d’éthique des hackers de Levy

Le code d’éthique de Steven Levy dans sa publication de 1984 intitulée Hackers : Heroes of the Computer Revolution, ce dernier fait état de 7 énoncés, constituant une base commune. Dans ce billet, nous regarderons comment ces hackers se distinguent de la culture dominante.

Vous devez obéir à l’impératif de la pratique : l’accès aux outils qui permettent de comprendre le fonctionnement du monde devrait être total et illimité.

Dans la culture dominante, les gens sont peu ou pas du tout intéressé à comprendre le fonctionnement des objets ou des systèmes qui nous entourent. Prenons la voiture ou l’ordinateur : la plupart des gens adoptent plutôt la philosophie du « déplacement du point A au point B ».

 

Toute information devrait être libre et gratuite.

Ce n’est évidemment pas une préoccupation de la majorité des gens. La notion de open source commence à faire son chemin et rejoindre des gens qui ne sont pas du monde des hackers et du développement informatique, mais ces gens ne font pas encore la différence entre le open source et les 4 libertés fondamentales des logiciels libres (à ne pas confondre avec les 4 libertés du président Roosevelt, datant de 1941).

Méfiez-vous de l’autorité et faites la promotion de la décentralisation.

Je suis peu surpris d’un tel énoncé datant de 1984. Cette inquiétude des hackers était probablement justifiée à l’époque et l’est toujours en 2020. En effet, à partir du moment où l’opacité de certains systèmes tombe (grâce à la rétro-ingénierie, entre autres), on comprend que les principes de libertés sont parfois incompatibles avec le modèle centralisé des entreprises du big four. De plus en plus, cet enjeu se retrouve dans les discussions dans la culture dominante.

Les hackers devraient être évalués par leurs actions et non par des critères factices comme les diplômes, l’âge, l’origine ethnique ou la position hiérarchique.

En effet, ce qui définit un hacker est plutôt « façon de réfléchir» et ses « stratégies cognitives ».*

* https://spip.teluq.ca/inf6107/spip.php?article65&rubrique11

Un hacker peut donc être issu de différents milieux.

Vous pouvez créer de l’art et de la beauté avec un ordinateur.

Ce n’est pas une opinion partagée dans la culture dominante. L’ordinateur est souvent plutôt vu comme un outil, voire un mal nécessaire, puisque de plus en plus d’information est accessible seulement par le web.

Les ordinateurs peuvent améliorer vos vies.

Cet énoncé n’a pas la même interprétation selon l’époque. Au début de l’internet, on aurait dit que c’est grâce à l’accès à l’information et aux connaissances. À l’ère du web social, on aurait dit que nos vies sont améliorées grâce aux rapprochements, au partage et à la création de nouvelles communautés. En 2020, ces mêmes ordinateurs peuvent améliorer nos vies grâce, entre autres, à l’intelligence artificielle, qui peut nous aider dans notre organisation, prise de décision.

Je pense que cet énoncé serait accepté et reconnu dans la culture dominante.

Comme la lampe d’Aladin, l’ordinateur peut vous obéir au doigt et à l’œil.

Cet énoncé est endossé par probablement 100% des programmeurs et des hackers, qui comprennent comment « ça se passe » dans l’ordinateur. Pour le commun des mortels et dans la culture dominante, cette puissance est souvent inaccessible et considérée comme étant dans les mains du big four.

Réplique : Entreprises et réputation en ligne

L’article suivant mentionne l’apparition de nouveaux services en ligne permettant entre autres de « supprimer les avis négatifs », ainsi que de faire la gestion de « la réputation en ligne ».

La nécessité étant la mère de toutes les inventions, il faut réfléchir à la raison qui justifie l’existence de ce service.

L’article parle de contrer les « attaques à la réputation ». On parle ici d’attaques non justifiées ou qui dépassent les bornes de la transaction elle-même, et qui affectent les individus. Cela est louable, en effet, car cela peut être dévastateur pour un individu.

La solution n’est pas plutôt la modération des commentaires ? Pour les grands sites (Amazon, eBay, Facebook, Google, etc), je doute qu’on puisse réussir à atteindre la vie privée des vendeurs et les attaquer. Il y a des filtres automatisés (vive l’intelligence artificielle) et il y a des mécanismes de signalement d’abus.

Le problème est que n’importe qui peut se partir un site à la « ratemywhatever ». On peut légitimement douter de la qualité de la modération en place puisque la source de revenus de ce genre de site est quasi-inexistante, contrairement à Amazon et eBay qui font des revenus justement par le biais de cette transaction.

 

 

Système de réputation pour location de chalets

La location de chalets est une entreprise très présente et souvent lucrative sur le territoire québécois. Beaucoup de familles choisissent de louer, pour des durées variables, au lieu d’acheter.

Le web transactionnel est venu bonifier cette industrie, les propriétaires peuvent désormais afficher les informations de base, coordonnées, des photos et les disponibilités sur plusieurs sites, et ce, facilement.

Pour les locataires, le web transactionnel permet des recherches faciles, par région, par services, selon la proximité et la disponibilité d’attraits touristiques, etc.

Depuis quelques années, plusieurs regroupements de propriétaires se sont formés, dans le but de partager des services et des expertises. Dans certains cas, ce sont plutôt des entreprises privées qui offrent ces services. Il y a donc présentement une grande variété de groupes sociaux en place et des entreprises qui visent ce groupe comme clientèle.

En ce sens, les regroupements de propriétaires sont donc des communautés.

Il y a aussi des sites présentés comme étant avant tout des services pour les locataires. Par exemple sur ce site, tout est présenté selon diverses catégories. Par exemple « ceux qui sont prêts à partir à la dernière minute », « ceux qui veulent être sur le bord de l’eau », etc. Ce site est opéré par une entreprise, et n’est donc apparemment pas une communauté. Toutefois, on ne connaît pas son histoire. Est-ce un groupe qui s’est formé (forming) et qui a fusionné avec d’autres groupes et qui ont mis en place cette plateforme (norming et performing) ? Un simple lien « inscrire mon chalet » est présent en haut et destiné aux propriétaires.

La location de chalet, que ce soit pour une courte ou longue période, comporte sa part d’inquiétudes autant pour les locataires que les propriétaires.

Le locataire veut devoir amener un minimum de choses et pouvoir être fonctionnel. Est-ce qu’il y aura du papier de toilette ou est-ce qu’il faudra aller à l’épicerie, à la quincaillerie ainsi qu’un magasin à grande surface pour avoir le strict minimum ? Est-ce qu’il faudra changer des ampoules électriques pour y voir clair ? Est-ce que tout sera propre à l’arrivée ?

Le propriétaire veut généralement des choses simples : que tout soit encore en état, sans bris, après le départ.

Les locataires et propriétaires ont souvent été échaudés par le processus ce qui a mené à la création de ses regroupements de propriétaires et des contrats de 20 pages, des heures d’arrivée tardives et des départs très tôt.

Si les propriétaires ont trouvé le truc pour se protéger, les locataires ont quant à eux accès à des sites permettant d’évaluer les chalets. C’est donc un système basé sur la réputation. C’est le cas du site présenté précédemment, mais les apparences sont trompeuses, car la publication des évaluations est contrôlée par le propriétaire.

Pour qu’un système de réputation fonctionne, il doit être un minimum impartial, ce qui ne semble pas le cas ici.

Je terminerai ce billet en posant la question suivante : la solution ne serait pas plutôt un système de réputation pour les locataires ? Un peu comme eBay l’a fait depuis ses débuts.

Pourquoi les réseaux sociaux libres ?

De plus en plus de gens « tirent la plogue » sur les réseaux sociaux, et ce, pour différentes raisons. Parfois, c’est temporaire, et parfois de façon permanente. Je vais vous présenter trois raisons.

  • Certains le font pour remettre de l’équilibre dans leur vie.
  • Certains ont l’écœurantite de voir les autres avoir trop de plaisir démontrer trop d’enthousiasme envers leur plat-très-ordinaire qu’ils s’apprêtent à manger, ou de voir trop de gens en manque de like d’amour.
  • D’autres le font pour résister au changement et manifester leur mécontentement envers Facebook qui a déplacé le bouton de messagerie de 4 pixels vers la gauche. D’autres le font pour manifester un mécontentement plus profond, voir viscéral, envers l’emprise que le big four a sur nos données.

Quelles sont les alternatives ? Nos gouvernements n’ont pas l’intérêt ni les compétences pour légiférer sur la plupart des problèmes actuels. De plus, n’ont-ils pas eux-mêmes développé cette relation parasitaire avec ces entreprises et les données rendues accessibles ? Si vous êtes intéressé à en apprendre plus sur ce sujet, je vous recommande fortement le documentaire HAK_MTL fait au Québec (vous l’aviez deviné).

C’est ce qui m’amène à vous parler des réseaux sociaux libres. Il ne serait même pas nécessaire de les nommer, mais simplement d’expliquer que ceux-ci sont à code source ouvert et que leur mission première est de répondre à vos besoins et non à ceux des actionnaires ou du gouvernement.

Est-ce que les réseaux sociaux libres vont empêcher quelqu’un d’en abuser et ainsi nuire à sa vie personnelle (voir première puce) ? Je vais vous répondre que oui. Facebook et Google n’ont aucun intérêt à ce que vous quittiez leur site et font tout en leur possible pour que vous passiez le plus de temps possible sur leur plateforme, ce qui est justement la cause du problème. Voir cet article pour comprendre les différentes techniques utilisées pour vous rendre accroc.

Évidemment que les réseaux sociaux libres ne pourront régler le problème des faux influenceurs. La solution au manque de jugement n’est pas technologique.

« Vive les réseaux sociaux libres », dira un jour un grand général.

Voici quelques liens pour découvrir de nouveaux réseaux sociaux :

https://joinmastodon.org/

Pour en apprendre plus sur les enjeux, certaines alternatives, les réseaux décentralisés et distribués ainsi que le concept de fédération : http://www.alterinfos.org/spip.php?article8377

Pour voir le coté pessimiste et l’envers de la médaille :

https://www.wired.com/story/decentralized-social-networks-sound-great-too-bad-theyll-never-work/

 

 

Les réseaux sociaux dans le monde du développement logiciel

Le monde du développement logiciel n’a pas échappé au virage social. Le site GitHub est l’exemple parfait des réseaux sociaux dans ce contexte. Ce site est apparu en 2008 et a été rendu possible par la création de Git, un système de gestion de code source créé en 2005 par nul autre que Linus Torvalds en 2005. En plus d’être un système libre (GPLv2), il a détruit le paradigme client-serveur présent à l’époque en étant plutôt basé sur une approche décentralisée. Toutefois, GitHub est un site centralisé, utilisant Git pour partager des projets logiciels. Ainsi, chaque projet hébergé chez GitHub peut être téléchargé (on utilise généralement le terme clone) et ainsi s’affranchir, au besoin, de GitHub.

Ce n’est toutefois pas ce qui a fait de GitHub un vrai hub social. Le site offre des valeurs ajoutées pour faire le suivi des bogues, pour la gestion des fonctionnalités et des nouveautés, ainsi qu’un wiki pour chaque projet. En effet, le site met l’accent sur ce que les gens font et non sur qui ils connaissent.

Microsoft a acheté GitHub en 2018, ce qui explique les nouvelles possibilités d’héberger les projets dans le logiciel Visual Studio depuis la version 2017.

Influenceurs ou non ?

Le concept d’influenceur est probablement présent depuis très longtemps dans notre société, mais, à ma connaissance, ce n’est que depuis peu que cela fait partie des discussions et du débat public.

Initialement, je pensais qu’un influenceur était nécessairement quelqu’un qui faisait la promotion d’un produit (on voit beaucoup de vidéos de unboxing sur YouTube) ou qui était nécessairement lié à l’achat d’un produit ou d’un service.

Je remarque, et cela est corroboré par l’article d’Alain McKenna sur la business des influenceurs, qu’un influenceur peut être n’importe qui qui a « un intérêt d’affaires, de commerce, et non d’information ». Cela élargi donc ma perception.

Nous avons eu le droit à un sketch très drôle sur les influenceurs au Bye bye 2019 à Radio-Canada. Dans ce sketch, des parents consultent un médecin pour se plaindre du comportement de leur fils pour être ensuite confrontés au diagnostic : leur fils est influenceur.

Toutefois, selon ma perception, le personnage Ricky Beaulieu ne correspond pas à la définition citée précédemment, car aucune de ses actions ne semble motivée par autre chose qu’un comportement narcissique avec un ego démesuré.

Un autre exemple, souvent présenté comme étant à propos des influenceurs, est l’épisode Nosedive et la série Black Mirror.

Dans le cas des vrais influenceurs, qui endossent des produits et qui ont un agenda plus ou moins caché, on parle finalement de marketing d’influence, qui est vu selon certains comme une forme de publicité. D’autres voient les influenceurs comme une façon d’évaluer un produit et d’avoir l’opinion de quelqu’un en qui ils ont confiance. Encore une fois, comme en illustrant beaucoup de concepts en informatique, on peut conclure en parlant de confiance.

L’authentification sociale

Cet article est une réplique à https://www.pcmag.com/article/334629/signing-into-websites-with-google-facebook-is-good-for-secu.

Avec la venue du Web 2.0 et plus particulièrement les réseaux sociaux  est apparue la gestion des multiples mots de passe. Comme la plupart des gens ne sont pas informés et accordent peu de temps et d’efforts à leur sécurité informatique personnelle, ce n’est pas surprenant qu’il y ait autant d’incidents. Les mots de passe faible, les mots de passe réutilisés de site en site sont évidemment des recettes à succès pour se faire voler ses informations.

Que les gens aient réalisé ou non l’importance des mots de passe forts et uniques, beaucoup ont ensuite commencé à utiliser les voûtes de mots de passe, en ligne ou non, mais cela sera hors de la portée de ce billet. Voir cet article pour créer de bons mots de passe si votre voûte ne les crée pas pour vous.

Ce qui est nouveau est la possibilité de s’authentifier en utilisant un service d’authentification tierce partie. C’est ce que certains appellent le social login. Personnellement, je n’ai jamais vu l’intérêt de réutiliser mes identifiants (credentials) d’un autre site au lieu d’en créer de nouveau. En effet, à l’aide des voûtes, on peut en créer de nouveaux assez facilement.

Quels sont donc les avantages ? Il y a évidemment la simplicité, mais comme la création d’identifiants est quelque chose qu’on fait une seule fois, je ne vois pas pourquoi il devrait peser dans la balance.

Pour analyser la situation de plus près il faut revenir à un concept fondamental en sécurité informatique : la confiance. Avez-vous plus confiance en votre voûte ou en ce site tierce parti (Google, Facebook) ?

D’un point de vue plus philosophique, on pourrait se poser la question suivante : pourquoi créer une dépendance de plus envers le big four ?

Finalement, quelles informations sont partagées et échangées ? Comme nous avons peu de contrôle sur ce qui est partagé en ce moment et surtout dans le futur, cela défait le principe de sécurité du « besoin d’en connaître » plus connu avec son appellation anglais soit le principe du need-to-know.

Source :

https://www.pcmag.com/article/334629/signing-into-websites-with-google-facebook-is-good-for-secu